Le vaste monde

Où faut-il qu’on aille
Pour changer de paille
Si l’on est le feu

À moins qu’il ne faille
Si l’on est la paille
Fuir avec le feu

La paille est si tendre
Mais vouloir l’étendre
Étendra la feu
Qu’on tente d’étreindre

Or il faut l’éteindre

Le temps brûle

Le temps brûle effectivement Ce n'est pas une façon de parler
Un raccourci métaphorique en rapport avec un état de l'âme
Le temps brûle comme une forme de maison pas encore écroulée
Comme le coin d'une lettre qui parle impalpablement de l'amour
Toute la moisson sous le chaume d'un toit engrangée imprudemment
Le temps brûle et pour des bras naturels les seaux à porter sont trop lourds
Le temps brûle Il est une bête errante à qui tout se fait aliment
Le temps brûle et les mots comme des pins noircissent de ses brûlures
Ah je veux bien périr mais les mots dont je me servais les mots humains
Qu'ils témoignent au moins après moi de ce que les choses furent
Que de nous il reste pour d'autres cette immense épitaphe demain
Le temps brûle En sueur courant à demi nus aux abords de la route
De torche en torche au hasard du vent nous frappons de branches l'incendie
Le temps brûle Au-dessus de moi dans l'entrelacs d'ogives de ses voûtes
Plus le feu dévore la forêt et plus sa férocité grandit